Janvier 2018 marque le 7ème anniversaire de la révolution menée par une jeunesse en quête de ses droits sociaux, économiques et politiques. Sept ans après, cette jeunesse se retrouve face à un triste constat. En effet, d’après une étude menée par l’UNFPA, la participation politique des jeunes ne dépasse pas les 2,7%.
Lobna Amri et Khouloud Ben Taleb, deux jeunes femmes âgées de 23 ans, représentent une Tunisie jeune, éveillée ambitieuse.
Malgré leurs idéologies différentes et leurs origines, les deux jeunes femmes ont un but commun; remporter les élections municipales pour sortir leur pays de l’instabilité qui y règne. C’est dans le cadre de la 6ème promotion du programme de l’Académie Politique de l’association Aswat Nissa qu’elles se sont rencontrées. Portraits.
Les débuts en politiques
C’est en 2014 que Lobna s’intéresse particulièrement au paysage politique. Alors âgée de 20 ans, la jeune femme va utiliser son droit de vote pour la première fois de sa vie, décision qu’elle ne veut pas prendre à la légère. Elle conduit alors ses propres recherches afin d’opter pour un parti qui défende ses idées. La jeune femme est profondément déçue par le dénouement des élections présidentielle et législative: « Les résultats des élections ne m’ont pas plu, je ne pouvais pas rester comme ça…ce n’était pas une solution. Il fallait que je fasse quelque chose qui me donne l’impression que j’étais en train de changer les choses » confie-t-elle.
Elle choisit alors de suivre un chemin auquel rien ou presque ne la prédestinait afin d’amorcer le changement. En effet, séduite par les idéologies et les propos des dirigeant-e-s du parti du Courant Démocrate, elle opte pour ce dernier.
Son ambition lui permet de gravir les échelons au sein du parti et d’occuper un poste dans la commission des femmes au niveau central.
Khouloud a, quant à elle, manifesté un intérêt pour la politique et le militantisme avec la révolution. Alors âgée de 16 ans, elle investit les rues avec ses camarades du lycée et s’identifie dans l’idéologie de gauche des lectures marxiste et léniniste. Elle se rapproche alors du Parti patriote socialiste révolutionnaire avec lequel elle rompt finalement contact à 18 ans suite à l’assassinat de Chokri Belaid. C’est une période de remise en question pour la jeune femme qui met entre parenthèses ses aspirations politiques pour « mûrir » intellectuellement. Elle décide de recommencer tout à zéro lors de sa première année à la faculté en se lançant dans le mouvement syndicaliste et en intégrant le bureau Fédéral de Borj Cedria de l’Union Général des Etudiants de Tunis (UGET).
« La différence entre les mouvements syndicalistes et les partis c’est que dans les mouvements syndicalistes tu te sens libre, il n’y a pas de hiérarchie » déclare-t-elle.
Cette expérience se révèle être marquante pour Khouloud, et lui permet non seulement de développer sa capacité d’analyse mais aussi de rejoindre à nouveau un parti politique en 2014, à l’âge de 20 ans. Son choix se porte, cette fois, sur le parti fondé par le martyr Chokri Belaid, Al Watad, (Mouvement des patriotes démocrates).
« Je suis parmi les personnes qui ont rejoint ce parti pas seulement pour le personnage de Chokri Belaid mais pour le rêve qu’il a laissé derrière lui, sa vision de la Tunisie et d’un jour voir un parti de gauche uni » affirme-t-elle.
La jeune femme a pleinement confiance en elle. À seulement 23 ans elle est convaincue de pouvoir remporter les élections municipales de sa commune à Raoued. D’ici 20 ans elle se voit secrétaire générale du parti et à la tête d’un portefeuille ministériel important, à savoir le ministère de la Défense. Sa motivation l’aide à gravir rapidement les étapes. Elle occupe actuellement un poste au bureau régional au sein du parti. « Le virus de la politique » s’est répandu très vite au sein de sa famille. En effet, sa sœur et son frère veulent suivre les pas de leur ainée.
Les femmes en politique
Khouloud et Lobna, déplorent toutes les deux le faible niveau de participation de la femme en politique en Tunisie bien que, pour elles, c’est un des pilier sur lesquels repose une démocratie. Pour Lobna, la femme reste cantonnée à l’espace privé à cause des obstacles imposés par la société. « Elle n’est pas encore arrivée à avoir l’égalité avec l’homme » déclare-t-elle.
Khouloud ajoute qu’il y a certes un progrès mais celui-ci reste négligeable d’autant plus que les femmes sont largement instrumentalisées lors des campagnes électorales et ne disposent pas des mêmes opportunités que leurs confrères masculins, d’après elle: « Lors des campagnes électorales tu constates que c’est les femmes qui sont en première ligne, c’est elles qui discutent avec les citoyens…Et par la suite elles sont où dans les listes électorales? …C’est grave! ».
Pour elle, la volonté politique est mise en cause.
En tant que jeunes femmes actives dans la vie politique, Khouloud et Lobna ont toutes deux été sujettes à la pression de membres de leurs entourages.
« Certain-e-s te disent carrément de laisser tomber, que ça ne te concerne pas, que tu es encore jeune et te conseille de vivre ta vie » explique Lobna. « Je remarque que la vision des gens me concernant est en train de changer, les jeunes hommes me voient comme étant une personnalité forte et dangereuse » poursuite la jeune sfaxienne.
Malgré ce genre de comportement qu’elles rencontrent, Khouloud et Lobna ne se voient pas abandonner leurs carrières politiques ou leurs ambitions.
« Je n’ai jamais pensé à lâcher prise, je me fiche de ce qui se dit. La politique c’est comme une addiction. J’ai intégré la politique à cause d’un rêve, que le pays change, évolue »déclare Lobna.
Les priorités dans leurs municipalités respectives
Bien que les deux jeunes femmes vivent dans deux régions différentes de la Tunisie, elles aspirent à travailler sur des priorités assez similaires une fois élues grâce auxquelles elles espèrent améliorer la situation de leurs communes respectives.
« Les jeunes et les femmes qui sont des laissé(e)s pour compte, je veux les écouter, m’entretenir avec eux/elles, voir ce qu’ils/elles attendent. Dans ma commune, les hommes partent travailler alors que les femmes restent à la maison, à ne rien faire, les jeunes n’ont pas où aller » explique Khouloud.
Pour Lobna, son expérience avec Aswat Nissa lui a permis de comprendre que les politiques publiques n’étaient pas censées être neutres, bien au contraire. À présent elle estime que l’égalité entre les femmes et les hommes est extrêmement importante pour son programme politique. « L’égalité des sexes va devenir une de mes priorité, je vais faire en sorte de toujours intégrer les besoins de la femme dans les politiques publiques locales » conclut-elle.
À seulement 23 ans, Khouloud et Lobna disposent d’une volonté de fer qui les guidera loin dans leurs carrières.
Rendez-vous donc lors des élections municipales de 2018 pour suivre ces deux parcours!