À l’instar d’autres régions de la Tunisie, l’espace public à Sakiet Eddayer est régi par les hommes, les femmes sont cantonnées à l’espace privé ce qui explique la réticence de certaines à intégrer les municipalités. Raida a d’ailleurs elle-même essuyé certaines critiques de la part de son entourage, mais elle a réussi à convaincre les plus réfractaires.
« Au début, mes amies me disaient « qu’est ce que tu peux faire? », mais maintenant c’est le contraire. Je sens, à présent, qu’elles me voient comme un exemple. Plusieurs d’entre elles m’ont contacté et sont intéressées par le travail politique. Elles veulent intégrer un parti et devenir des membres actives. Il faut que les femmes prennent part à la politique, il faut entreprendre l’initiative et les autres vous suivront », positive-t-elle.
Quels obstacles surmonter lorsqu’on est une jeune élue municipale? Le parcours de Raida Zouari
Raida Zouari est le visage d’un mouvement politique jeune et réformateur en Tunisie. À 29 ans, la jeune femme vient d’être élue conseillère municipale de sa commune de Sakiet Eddayer. Plus encore, elle s’est vue décerner le titre de majore de la 7ème promotion de l’Académie politique des femmes, le programme phare d’Aswat Nissa. Retour sur le parcours de cette jeune femme actrice de changement dans la région de Sfax.
Ses débuts en politique :
C’est en 2018 que Raida décide de faire son entrée dans la scène politique en intégrant le parti du Courant démocrate qu’elle suit depuis 2014 et dont la vision, surtout en matière de droits socio-économiques, correspond à ses principes. Le secrétaire général régional du parti, alors à la recherche de profils sérieux pour la campagne électorale, propose à cette docteure en sciences biologiques une place sur la liste électorale de sa commune, une offre qu’elle accepte fièrement.
« C’était l’opportunité pour moi de faire de la politique et d’apporter un changement dans ma commune », déclare Raida dont l’objectif est de faire entendre la voix de la jeunesse tunisienne qui se retrouve reléguée au second plan lors du processus de prise de décision.
« Ce qui m’a poussé à entrer en politique c’est le paysage général, les problèmes qu’on voit en Tunisie. Les jeunes ne participent pas dans la prise de décision, ils et elles ont des idées, des compétences, une ouverture d’esprit et beaucoup de choses à faire dans le pays » poursuit-elle.
Ses idées élaborées et son éloquence la propulsent à la seconde position de la liste électorale de Sakiet Eddayer. Pendant plusieurs mois, la jeune Sfaxienne est à la tête d’une campagne active, à l’issue de laquelle, elle se voit élue au conseil municipal et présidente de la commission de l’égalité des chances entre les deux sexes, une commission qu’elle choisit puisqu’elle se sent capable de faire la différence. La jeune femme est aussi désignée rapporteur de la commission des arts, de la culture, de l’éducation et de l’enseignement.
Ses projets en tant qu’élue municipale :
Après l’euphorie suite aux résultats de l’élection, Raida se retrouve face au premier défi du conseil municipal. En effet, le conflit générationnel y est très présent et elle estime avoir subi, en tant que jeune femme, « un double obstacle ».
« Il y a beaucoup d’obstacles quand on est une femme. C’est surtout la mentalité des personnes plus âgées. Elles essayent d’écarter les jeunes alors que ces derniers peuvent avoir des idées plus avancées. Ce n’est pas évident, il y a beaucoup de dispositions à changer et pour ce faire il faut écouter les jeunes », continue Raida.
Mais la jeune élue est motivée et prête à relever ce challenge. Elle a déjà tracé son plan de travail et a pour ambition de mettre en place son projet au sein de sa commission, à savoir instaurer l’approche genre dans le travail de la municipalité. Elle commence par lancer des initiations à l’approche genre lors des séances du conseil municipal. C’est une nouvelle initiative dans la commune de Sakiet Eddayer qui manque cruellement de données statistiques et surtout de données ventilées par genre comme nous explique Raida qui prévoit demander à sa commune d’établir une cellule dédiée à l’élaboration de ces données. En outre, elle voudrait lancer une campagne de sensibilisation au profit des femmes de la région pour les encourager à participer aux réunions municipales qui restent dominées par les hommes. En effet, les femmes n’ont pas l’opportunité d’exprimer leurs priorités surtout lors des séances destinées au programme annuel d’investissement communal participatif qui vise à impliquer les citoyennes et citoyens dans le diagnostic de leurs problèmes afin de les éradiquer.
« Lors des séances, sur les 6 zones qui représentent Sakiet Eddayer, il n’y a que très peu de femmes qui étaient déléguées de quartier… mais les femmes ont des priorités et des perspectives différentes des hommes », déplore Raida. « Les délégué-e-s sont choisi-e-s par les membres du quartier… et ce que je veux, c’est travailler sur la communication afin d’inciter les femmes à participer dans le travail municipal», poursuit-elle.